On parle charge mentale, burn-out maternel, inégalités… On parle féminisme, pouvoir d’agir, et droits des femmes. Mais y’a un sujet qu’on ose à peine aborder à table : la rémunération du travail des mères. Pourtant, c’est un job à plein temps. Invisible, non payé, souvent dévalorisé. Tu fais tourner la maison, gères les plannings, soignes les bobos, assures le lien social, et souvent, tu culpabilises encore de ne pas “en faire assez”. Candy Rapaz, elle, a dit stop. Elle a écrit un livre coup-de-poing : « Mère au foyer, une profession féministe». Et elle nous montre que le féminisme passe par la reconnaissance financière de ce travail. Dans cet interview, on parle politique, émotions, et prise de conscience.
Sincèrement, probablement tant que des régimes de droite existeront dans le paysage politique! La reconnaissance sociale des mères est incompatible avec des conservateurs qui prennent les femmes pour des potiches qui doivent rester à la maison, procréer et la boucler. Et a-t-on déjà vu la droite débourser pour autre chose que pour les riches? Non. Je suis sérieuse, c’est un des paramètres. Parce que si on se dit ok, on va voter un salaire ! Qui votera contre?? Vous connaissez la réponse. Demande à des “gauchos” ce qu’ils en pensent et tu verras qu’ils ont les pieds sur terre et se rendent bien compte que les mères bossent pour deux et que le système les exploite. Les justices sociales sont toujours et depuis la nuit des temps le cheval de bataille des partis de gauche.
Bon, si on se rebelle et commence à manifester dans les rues et qu’on se fait toutes stériliser tant qu’un salaire de ministre ne nous est pas accordé, ça pourrait aussi faire pencher la balance… Mais je doute que cette méthode plaise aux femmes qui caressent l’espoir d’être mères un jour! 🙂
Parce que les gens font directement un lien entre amour maternel naturel et monétisation de l’amour. En ce sens, l’amour est gratuit et ça ne pourra jamais être remis en question! Et ils pensent que si on veut un salaire alors on monétise l’amour… comme si aimer nos enfants n’était pas gratuit. Je pourrais crever pour mes gamins, avec ou sans salaire.
Mais tant qu’à torcher des popotins à 3 heures du mat, vivre en état constant de privation de sommeil et dire adieu à ta vie sociale, autant ne pas le faire pour rien. Entre l’amour et le travail qui découle de cet amour, il faut faire la part des choses. Et franchement, même à mes gosses je donne de l’argent de poche pour ce qu’ils font à la maison. Ils débarrassent la table, vident le lave-vaisselle, font parfois un petit coup d’aspirateur et ils méritent quelques petits sous par semaine pour ça! On fait que de dire qu’il faut apprendre la valeur de l’argent…
mais moi en donnant quelques piécettes à mes enfants pour ces aides ponctuelles, je leur apprends qu’ils méritent un salaire même pour une petite contribution, donc faut me dire à quel moment ce n’est plus normal de rémunérer pour ces travaux que je viens de citer. Et quand je fais occasionnellement une petite sortie avec mon amoureux, on fait venir un baby-sitter qui fait mon job de mère et je la paie! Donc ca veut dire que ca fait sens de payer pour ce travail. Et puis c’est dérangeant aussi et sûrement parce que l’idée est nouvelle et ça ébranle des siècles d’un fonctionnement social qui n’a jamais été remis en question. Les gens ont une tendance à mettre les deux pieds contre le mur quand il s’agit d’évoluer. Enfin, ça dépend des sujets: évoluer pour créer des absurdités, ça ça passe crème comme dit ma fille! Mais pour des trucs vitaux, non la faut rien changer.
Pour que ce soit reconnu comme un job? des formations proposées aux mamans avec un quota minimum de cours à suivre parmis le catalogue mais pas pour leur dire comment élever leurs gosses, plutôt pour les aider devant des situations qui les désarçonnent. Genre: qu’est-ce que je peux faire si mon ado ment comme un arracheur de dents? Est-ce normal que mon fils de 4 ans fasse 763 crises de nerfs par semaine? Est-ce que c’est ok si je prive mon gamin de télé ou lui impose de lire quelques pages d’un livre le soir? Enfin, tu vois quoi… c’est pas pour dire: faites pas ci, faites pas ça. Ou alors des formations qui pourraient simplement aiguiller dans les trucs à ne pas faire, sous aucun prétexte, style: non mesdames, on ne laisse pas les enfants de 6 ans debout jusqu’à 22 heures un soir de semaine alors qu’il a l’école le lendemain à 8 heures. ou bien: non on ne frappe pas son gosse parce qu’il a fait tomber son verre d’eau à table… Avoir un enfant c’est un travail et autant les gens refusent de reconnaitre ce fait, autant ces mêmes gens seront les premiers à pointer votre “mauvais job” du doigt si ton gamin tourne mal à l’adolescence.
Bien sûr! l’un n’exclut pas l’autre. Le féminisme c’est juste vouloir que les femmes aient les mêmes droits que les hommes. Ben moi mon mec travaille 45 heures par semaine et pour ça, il gagne un vrai salaire. Moi je bosse 98 heures par semaine pour mes gamins et mon intérieur (qui est très lié aux enfants) et on ne me paie pas. A quel moment est-ce que c’est normal? Je peux me battre pour les droits des femmes entre deux lessives. On va dire qu’à la base les femmes voulaient le droit de sortir de chez elles, de travailler, d’avoir leur propre argent sans devoir le quémander à leurs maris. Je ne comprends même pas comment l’option de payer pour la maternité n’a jamais été pensée! C’est comme si faire des enfants était une promenade de santé. J’en ai trois et je suis affirmative: non!! bien au contraire! c’est le parcours du combattant, c’est angoissant et très fatiguant. Ce qui me dérange dans le fait que féminisme et mère au foyer semblent s’opposer, c’est qu’on essaie encore de faire croire que les mères sont illégitimes dans leurs revendications! sauf que là, ce serait même le féminisme qui rendrait le travail de mère illégitime. Ça me gêne. On a le droit de travailler chez soi, dans un domicile, c’est pas exceptionnel: télétravail, femme de ménage, etc. Si le féminisme veut dire “travailleur en dehors de chez soi” alors les mères se feront encore et toujours avoir et la société continuera à profiter d’elles. Les mères au foyer sont de gentilles bénévoles. Moi ça ne m’intéresse pas de bosser 98 heures par semaines pour ne pas pouvoir payer mon loyer.
Non, sans quoi je n’aurais pas publié mon livre. Ce que les gens pensent me passe complètement au-dessus. Et puis les gens s’offusquent souvent pour des riens et restent de marbre devant des atrocités. Il faut revoir nos priorités d’indignation.
Réfléchissez bien avant de faire un autre enfant! Et surtout, arrêtez de véhiculer un message trompeur aux copines: non, la maternité c’est pas le bonheur assuré. On nous a implémenté cette idée dans nos petites têtes en grande partie pour que nous, en tant que femmes, ayons envie de répéter cette expérience de génération en génération. Or, si on avait parlé avec sincérité de la maternité, il y a fort à parier qu’on n’aurait pas vu de déclin démographique mais que les femmes en âge de procréer envisageraient en minorité la maternité et donc, on serait beaucoup moins nombreux sur cette planète. Or, dans le discours de la maternité, on ment. On fait croire que c’est merveilleux. Alors il y a un amour infini et du bonheur bien entendu, mais on passe sous silence les mauvais côtés. Donc je vous le dis mesdames, pour changer notre condition de main d’œuvre gratuite des gouvernements, c’est pas gagné mais on peut éviter que toutes les jeunes femmes tombent dans le panneau. On peut leur donner toutes les cartes en main pour prendre la décision d’enfanter en toute conscience. Et je leur dirais aussi: Courage les nanas! pensez au dicton qui dit: la femme a une puissance singulière qui se compose de la réalité de la force et de l’apparence de la faiblesse. Vous vous pensez être des petites choses fragiles? Ho que non! vous avez en vous quelque chose qui d’ailleurs inquiète l’autre sexe, croyez-moi.
Il y en aura une ou je serai moins accessible car concentrée dans un échange avec une journaliste et ce moment sera suivi de questions du public. Mais je fais une seconde intervention et là ce sera beaucoup plus intimiste! Aucune distance entre moi et les femmes présentes. Une occasion pour elles de se livrer si elles le souhaitent. Mais dans cette seconde intervention, je vais les interpeller, m’intéresser à elles.
plusieurs signes quasi simultanés ont provoqué mon déclic: la lecture du livre de Mona Chollet “Sorcière, la puissance invaincue des femmes”, une envie d’écrire qui dormait en moi depuis toujours et qui a littéralement explosé, un beau matin, comme une cocotte minute et pour finir, un type peu évolué qui a sous-entendu que je ne fichais rien de ma vie alors que je suis maman, journaliste-pigiste, curatrice et étudiante à l’uni… Je plains sa femme et ses enfants, je ne plaisante pas.
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Et son livre « Mère au foyer, une profession féministe » sur commande dans toutes les bonnes librairies.
Spoiler : tu ne verras plus jamais ton rôle de mère comme avant.
Interview réalisé par Isaline Ackermann : @isaline_ackermann
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